La nonviolence a, de tous temps, été moquée, méprisée ou persécutée. C’est sans doute parce que nonviolence et résistance vont de pair; car, tôt ou tard la nonviolence débouche sur la résistance à la violence et à l’injustice.
La nonviolence ne se soumet guère sans résister à un pouvoir violent. Plus le pouvoir est violent, plus la résistance nonviolente est prononcée, aussi petite soit-elle. C’était le cas dans l’Antiquité (la révolte juive), au 13ème siècle (les Albigeois), en passant par le Moyen Âge (les Anabaptistes) jusqu’aux temps modernes: Hongrie, Tibet, objection de conscience pour ne donner que trois parmi de nombreux exemples.
Les gouvernements démocratiques sont bien moins violents à l’égard de leurs citoyens et citoyennes que les gouvernements totalitaires. En effet, les citoyens et citoyennes ne sont pas des sujets – du moins, pas tant qu’ils ne se comportent pas de façon suspecte.
De nos jours, les choses se sont un peu décalées. Les personnes suspectes tombent facilement dans les rets de la guerre contre le terrorisme. Par ailleurs, la violence s’est déplacée vers l’étranger plus ou moins éloigné, c’est-à-dire à un autre niveau, le niveau structurel, ou une autre couche sociale. Là où règne l’injustice, la résistance surgira de la mouvance nonviolente. Là où la nonviolence compose avec l’injustice, sans y résister, elle perd son âme.
À l’époque de la guerre contre le terrorisme la résistance nonviolente est confrontée à de nouveaux défis. Les reportages et commentaires sur l’attentat lors du marathon de Boston montrent qu’aux USA le radicalisme est assimilé au recours à la violence. Il y a là une dangereuse ironie. L’anabaptisme du 16ème siècle, le courant à gauche de la Réforme, est appelé en anglais la Réforme Radicale (Radical Reformation), et les Anabaptistes traités de radicaux (radicals). La confusion tragique entre radical et violent cherche moins une disposition à la violence que des idées radicales, et ceci sous-entend bien souvent des accointances islamistes. Cette équation radicalisme = terrorisme non seulement perd toute mesure, mais mine également l’essence même de la société civile, qui inclut le droit à la liberté d’expression et de religion ainsi que le droit à la résistance; et ce droit, elle doit le protéger. Le critère de sécurité ne peut donc pas être la radicalité, mais c’est la disposition à la violence ou plutôt l’engagement nonviolent qui doivent l’être.
Par ailleurs, la peur des potentats à l’égard de la nonviolence n’est pas injustifiée, parce que ce ne sont pas les poseurs de bombes qui vont changer le monde de manière fondamentale, mais c’est le mouvement de la nonviolence qui y parviendra.