Vers une culture de la paix en Suisse

Présentation du Concept et Proposition par le MIR Suisse

Note : Ce document a été élaboré par Oliver Rizzi Carlson sur la base du travail du comité lors d’une retraite en juin 2017. Le document plus détaillé est disponible pour les membres sur demande. L’assemblée extraordinaire du 16 septembre 2017 a adopté cette proposition.

  1. Situation actuelle en Suisse

La Suisse a une situation privilegiée mais fait également l’expérience de violence structurelle et culturelle. Le MIR Suisse a un rôle à jouer dans l’épandage de compétences pour le développement d’une culture de paix en Suisse, qui s’insèrent très bien dans l’histoire de paix de la Suisse et qui lui contribuent. Tenant compte des plusieurs initiatives de ce type déjà existantes dans le pays, le MIR Suisse peut identifier les lacunes, ce qu’il peut contribuer, et donc ébaucher des projets concrets qui puissent être mis en route.

  1. Initiatives existantes dans le domaine de l’éducation de la paix ou de la promotion d’une culture de paix en Suisse

        Il existe plusieurs initiatives en Suisse qui visent au développement d’une culture de paix, souvent à travers de l’éducation à la paix. Ces initiatives sont souvent pas suffisamment connues, étendues, ou coordonnées. Du fait qu’elle manquent de coordination, il est difficile d’établir une liste complète de ces initiatives. Il est aussi difficile de faire cela du fait que beaucoup d’initiatives ne s’identifient pas expressément avec les termes “éducation à la paix” ou “culture de paix”. Néanmoins, les projets existants semblent être souvent le résultat d’initiatives séparées avec peu de soutien économique ou sur le long terme.

  1. Besoins pas satisfaits par les initiatives existantes

        Il est nécessaire de faire un travail sur le long terme pour rendre possible le changement culturel souhaité. Cela ne se fait pas d’un jour au lendemain, et il est important d’avoir une régularité et une certaine fréquence dans le travail culturel.

        Cela signifie aussi qu’il est important d’incarner une vision de changement culturel vers une culture de paix, ce qui s’exprime de façon explicite dans les mots mais aussi de façon implicite dans la structure et les contenus des programmes.        

  1. Idées de projets concrets

Voici quelques pistes qui représentent des possibilités concrètes. Ces propositions dérivent aussi des compétences de l’auteur de ce concept. D’autres projets pourraient donc être mis sur pied par quelqu’un d’autre. Ce qui est important ici c’est de voir que ce genre de projet est tenable d’un point de vue financier. D’autres possibilités sont aussi incluses dans la section “pistes / idées ultérieures” ci-dessous.

  1. Peace Clubs

Les Peace Clubs sont des groupes autogérés d’étudiants dans les écoles qui organisent des activités pour promouvoir la culture de la paix à l’école. Le MIR Suisse peut encourager la création de ce groupes et offrir du soutien à des intervalles précis ou ponctuellement. Le but principal de ces groupes est de faire passer au jeunes l’idée qu’on s’occupe de la Paix, et qu’il existe des activités et des méthodes qui peuvent aider à créer une culture de paix. Les Peace Clubs contribuent ainsi à créer une solidarité autour d’un engagement dans les relations et dans la vie commune de l’école. S’agissant d’éducation par les paires, la paix acquiert ainsi un côté amusant. Un exemple de projet que les étudiants peuvent décider de mettre en route pourrait être de trouver des façons d’améliorer le courage civil à l’école.

Concrètement, le MIR Suisse pourrait faire les choses suivantes pour mettre cela en route:

  1. Faire un prospectus spécifique sur les Peace Clubs
  2. Ecrire un concept (deux paragraphes ou une demie-page)
  3. Prendre contact avec certaines écoles et leur envoyer le flyer et le concept, faire entretien pour mieux leur expliquer l’idée, comprendre les besoins, les souhaits et les problèmes de l’école, et éventuellement faire une première réunion avec les enseignants également.
  4. Organiser une conférence ou autre événement à l’école qui serve à connaître les étudiants et leur problématiques, et à les encourager à créer un Peace Club dans leur école et à faire partie du Réseau de Peace Clubs du MIR Suisse. On éclaircira la différence entre les délégués de l’école et les Peace Clubs, entre autres, et on expliquera aussi les points qui suivent.
  5. Créer un Réseau de Peace Clubs du MIR Suisse pour échange et soutien mutuel.
  6. Organiser des réunions des Peace Clubs du MIR Suisse une fois tous les deux mois (par exemple) pour un échange entre eux et pour leur donner une formation d’entre celles ci-dessous qui puisse les aider à évoluer dans leurs projets.
  7. Donner du soutien au Peace Clubs sur demande ou à des intervalles précis, comme suit:
  1. Donner du matériel pour étude ou inspiration
  2. Donner des suggestions et partager des idées pour projets
  3. Mettre les Peace Clubs en contact avec membres volontaires du MIR Suisse qui habitent dans la région pour qu’ils aient une personne de contact qui puisse participer à leurs réunions occasionnellement et qui puisse faire remonter au MIR Suisse des besoins plus importants ou spécifiques de soutien
  4. Accompagner les Peace Clubs par le membre volontaire du MIR Suisse ou par le Secrétariat, en fonction du besoin, pour leur donner de l’écoute et le soutien nécessaire
  1. Développer approches différenciées pour Peace Clubs à l’école primaire, au cycle et au collège.
  1. Formations

Le MIR Suisse pourrait organiser et offrir également des formations, qui peuvent être en lien avec les Peace Clubs ou pas. Allant d’une journée à une semaine, ces formations visent le développement de compétences plutôt que l’acquisition de connaissances. En général, elles tournent autour de la question de l’être en relation avec soi-même et les autres. L’approche est celle de développer la confiance en soi lorsqu’on est en conflit. Les formations sont faites pour les jeunes, pour enseignants, ou pour des organisations (y compris les HEP, auprès des étudiants en pédagogie). Leur but est de créer un impact concret dans la vie de tous les jours des participants. Il existe deux sortes de formations: les formations directes et les formations des formateurs.

  1. Formations directes

Ces formations sont proposées par le MIR Suisse pour des groupes particuliers cherchant à se former dans l’une des domaines d’expertise du MIR Suisse. En fonction de la demande et du stade de développement de ces programmes, le MIR Suisse pourra organiser et mener ces formations par le/la chargé(e) d’éducation à la paix, ou par des formateurs embauchés à ce fin. Il est aussi envisageable de repérer les compétences présentes parmi les membres du MIR Suisse et voir s’ils pourraient mener certaines formations contre une certaine rétribution. Le programme et les contenus des formations décidés par le MIR Suisse devraient dans tous les cas être le premier critère pour faire le choix des formateurs. Une quatrième possibilité est décrite dans la partie “formations des formateurs” ci-dessous, décrivant comment le MIR Suisse pourrait justement former des formateurs qui donneraient par la suite les formations directes ici décrites.

De suite trois formations qui pourraient être mises sur pied:

  1. Courage Civil (avec Théâtre pour la Vie)

Cette formation vise le développement d’une attitude et d’une sorte de courage, le courage civil, pour intervenir dans les moments de tous les jours et aider à transformer une situation de violence directe, structurelle ou culturale en une situation de changement culturel et de transformation. Le Théâtre pour la Vie pourrait être utilisé pour accéder à la sagesse du corps et essayer de se mettre dans différentes situation de violence et apprendre à réagir ou à agir différemment de ce qu’on fait d’habitude par nos peurs. Il s’agit de développer la capacité d’intervenir pour changer le dynamiques en place et créer une interférence dans les interactions, les systèmes et les pensées qui blessent, respectivement.

  1. Cercles Restauratifs

Les Cercles Restauratifs (CR) sont une approche au dialogue issue de l’expérience des favelas au Brésil. Elle prend en compte de façon très perspicace la réalité de la condition humaine et les caractéristiques systémiques des relations et des conflits. Le cœur de cette stratégie est la mise en place d’un véritable système restauratif au sein d’une communauté donnée. Ce système est défini dans ses différents aspects par les membres de la communauté, et les facilitateurs qui soutiennent le dialogue à travers les cercles de dialogue sont issus de la communauté elle-même. Les CR sont donc une façon de faire face au conflit qui incarne la diversité et l’autonomie dans ses bases. Après avoir décidé ensemble de l’importance de se donner les moyens pour faire face au conflit, du groupe des facilitateurs, du moyen de faire appel et d’un lieu adapté aux cercles, les informations sur le système ainsi défini sont aussi rendues disponibles à tous les membres du système d’une façon convenue. Par la suite, n’importe qui de la communauté se sente affecté par un conflit, pourra faire appel au soutien des facilitateurs et suivre, donnant son accord à chaque étape, la démarche mise à disposition, qui est composée d’avant-cercle (entretien individuel avec chacun), cercle de dialogue collectif, et après-cercle de suivi. Avec les avant-cercles des facilitateurs préalables, les CR mettent ainsi en place une échelle du soutien qui rend possible la présence et la connexion de chacun à soi même, la rencontre avec l’autre et le mouvement vers le conflit, pour douloureux qu’il soit, pour passer dans une vraie écoute et une profonde expression de soi, en se ré-humanisant mutuellement, pouvant ainsi mettre à jour sa relation et recréer une connexion et confiance réciproques qui servent de base à la relation à l’avenir. Ce processus nourrit donc la durabilité des relations en prenant compte et sans avoir peur de leur nature conflictuelle, et en créant un espace pour la transformation des relations à chaque fois que cela soit nécessaire.
Pour le développement des compétences de facilitation, pour que chacun puisse d’exercer à la pratique de la facilitation, on pourrait mettre en place des groupes de pratique des Cercles Restauratifs. En effet, tout comme le processus des CR ne peut être vraiment compris que par l’expérience, ainsi les compétences de facilitation ne se développent que par l’expérience. Avec ces compétences, les membres du groupe de pratique seront de plus en plus à même de créer des systèmes restauratifs et de mener des processus de reconnexion humaine avec différents groupes dans leur vie.

  1. Communication NonViolente (La Roue du Dialogue)

La Roue du Dialogue est une  méthode qui s’inspire de la Communication NonViolente et qui est composée de 5 étapes importantes pour un vrai dialoque dans un conflit: 1. Découvrir et reconnaître la ‘vérité’ de l’autre; 2. Admettre mes propres erreurs et actes negatifs; 3. Exprimer mes propres besoins; 4. Critiquer les actes négatifs chez l’autre; 5. Proposer une solution win-win. Cette méthode CNV se base sur le modèle de dialogue developpé et propagé par Jean et Hildegard Goss-Mayr de l’IFOR, et formalisé par le groupe d’entraînement  IFOR-MIR Belge ‘Sortir de la violence’, incluant aussi beaucoup d’exemples de conflits bibliques. Comme alternative, une formation à la CNV plus en général pourrait aussi être proposée.

Les trois formations ci-dessus pourraient être organisées et communiquées/promues soit de façon indépendante par le MIR Suisse, soit en faisant le lien avec d’entreprises, écoles, et d’autres institutions et créant des formations ad hoc pour leurs employés ou membres. Cela est similaire aux “formations à la carte” du CENAC, et le MIR Suisse pourrait éventuellement dans certains cas proposer des formations avec le CENAC dans ce cadre. Les détails des rémunérations figurent ci-dessous dans la section sur le budget et le financement.

  1. Formations de formateurs

 Ces formations peuvent être organisées et divulguées comme les formations directes. La différence entre ces dernières et les formations des formateurs est au niveau du public cible et du lien entre formations. L’idée ici est de créer un corps de formateurs qui puissent, à terme, mener les formations directes mentionnées ci-dessus. Cela signifie que les trois premiers candidats à formateur pour les formations directes ci-dessus pourraient donner les formations  des formateurs mentionnées ici. À terme, l’idée est que les formateurs formés proviennent des différentes régions de Suisse et fassent par la suite leurs formations dans les régions respectives. Les formations de formateurs suivent les sujets proposés pour les formations directes et incluent le contenu de la formation directe ainsi qu’une partie pédagogique. Ces formations des formateurs pourraient aussi être internes au MIR Suisse pour des nouveaux sujets et organisés pour des externes pour les sujets connus des formateurs existants du MIR Suisse.

  1. Événements
  1. Zivilcourage / Courage Civil

Avec l’objectif de promouvoir le courage civile cité ci-dessus, au delà des formations directes sur ce sujet, des événements pourraient aussi être organisés. Ces événements font partie des activités proposées par le Théâtre pour la Vie et, structurés comme spectacles interactifs de 2.5 heures, ont pour objectif d’accroître la sensibilité d’un certain public ou d’un groupe précis pas seulement à une problématique donnée, mais surtout aux réponses possibles à cette problématique et aux conséquences de ces réponses différentes. Surtout, l’événement aide le public, de façon captivante et relevante, à mettre en lumière la complexité sous-jacente d’une situation donnée, et donc à ouvrir d’autre perspectives qui puissent changer la donne.

Il existe trois types d’événement que le MIR Suisse pourrait organiser dans ce cadre. Pour l’instant on envisage utiliser les trois pour travailler la question du courage civil, mais ils pourraient aussi être utilisés pour d’autres sujets si on voulait:

  1. Théâtre Forum

Le Théâtre Forum est un événement dans lequel une brève pièce théâtrale est montrée à un public qui connaît par expérience personnelle les conflits, les dynamiques et les enjeux qui composent l’histoire. Une fois la pièce terminée, elle redémarre depuis le début, mais cette fois-ci le public peut intervenir en criant: “stop!” à chaque fois qu’il a une idée sur un choix différent qu’un personnage pourrait faire. À ce moment-là, la scène s’immobilise et la personne du public prend la place du personnage en question et essaie son idée. Après un certain temps, l’animateur arrête la scène et anime une discussion sur ce qui c’est passée, aidant les personnes à mieux comprendre les dynamiques sous-jacentes dans la situation. Puis la pièce continue comme avant et d’autres interventions se succèdent jusqu’à la fin. Cet événement permet de gagner une compréhension plus profonde des situations conflictuelles auxquelles on est confrontés et de trouver des pistes sur des réactions ou interventions possibles et leurs conséquences. Le Théâtre Forum ainde ainsi à développer une conscience accrue et le courage civil pour transformer la violence présente dans les différentes situations de nos vies.

Un événement Théâtre Forum requiert cependant d’avoir une pièce théâtrale développée par une troupe d’acteurs avec lesquels il faut travailler au préalable pendant un certain temps. Ce travail pourrait être rémunéré par des financements institutionnels.

  1. Les Policiers en Tête

Cet événement est toujours du théâtre qui vise la conscientisation, mais prend une autre forme. Un volontaire du public vient sur scène et partage un moment de conflit intérieur, où les envies, besoins et les interdits se confrontent. L’animateur aide la personne à partager les éléments importants de la situation, puis il invite d’autres membres du public à venir sur scène pour prendre le rôle de l’un ou l’autre de ces sentiments et interdits. Les personnages ainsi créés interagissent et créent une scène improvisée qui dévoile d’autres niveaux de profondeur et aide à mieux comprendre les enjeux personnels dans une situation donnée. Cet exercice est utile pour les situations dans lesquelles on est coincées par des messages ou des envies internes contradictoires et on se sent paralysés dans nos choix.

  1. Arc-en-ciel du Désire

L’Arc-en-ciel du Désire est similaire au dernier, mais vise la conscientisation de la complexité des situations dans lesquelles on est confrontés aux perceptions, sentiments et besoins d’une autre personne. Un volontaire vient sur scène et partage une situation, mais cette fois-ci ce sera une situation avec la personne comme protagoniste et une autre (dans l’histoire) comme antagoniste. Puis on choisira trois sentiments du protagoniste et trois de l’antagoniste qui, de façon alternée, interagiront sur scène en tant que personnages interprétés par d’autres volontaires du public. La particularité de cet exercice est de dévoiler les enjeux qui mènent l’antagoniste à agir d’une certaine manière, ce qui sert donc à l’humaniser et à trouver des pistes pour une interaction moins antagonique.